G.Brassens
Papa m'envoie quérir cent sous de mortadelle. Empochant la monnaie, moi je file au bordel. "Où vas-tu mon garçon de cette allure fougueuse ?" Me lance grand-maman. "Je vais courir la gueuse." "Il est inconvenant de fréquenter les putes. Tu m'en donnes la moitié, juste et tu me culbutes." "Quoique j'atteigne hélas un âge canonique, A bien des jeunes au pieu je fais encore la nique." "D'abord ça te permet quelques économies, Et puis le patrimoine sort pas de la famille." Je tends mes deux francs cinquante à cette bonne vieille ; Ce fut une bonne affaire : elle baisait à merveille. Le père, à mon retour, me demande : "Où est-elle ?" Le bâfreur attendait son bout de mortadelle. En voyant la portion que je mis sur la table, L'auteur de mes jours poussa des cris épouvantables. Il parlait de botter dans la région fessière Celle qui n'en pouvait mais, la gente saucissière. Il ouvrit un museau de carpe suffocante, Quand il connut l'emploi des autres deux francs cinquante. "Tu as baisé ma maman, petit énergumène." "Tu avais qu'à commencer par pas baiser la mienne." Mon argumentation vous lui coupa la chique Les Français ne résistent pas à la logique. Depuis, bibliquement, jusqu'à ce qu'elle rende l'âme, Je connais ma grand'mère et baste à qui me blâme. Quand la hausse des cours devient extravagante, Mémé bloque son prix : toujours deux francs cinquante. Mais si mon père est pris d'une fringale de saucisse, Il va l'acheter lui-même, excellent exercice ! Du coup j'ai plus d'argent ; de peur que je n'en vole, Grand-mère m'accorde alors ses faveurs bénévoles. Pour que la morale soit sauve et que la chanson finisse, je baise grand'mère à l'œil ; le bon Dieu la bénisse !